Cette chronique est dédiée à la biodiversité de la commune où je réside, Saint-Myon en Limagne auvergnate. Vous pouvez retrouver toutes les chroniques sur la nature à Saint-Myon en cliquant ici

03/10/2020  J’avais ce printemps publié deux chroniques sur le problème croissant des plastiques « sauvages » qui se baladent dans la nature : La route des plastiques et Jamais bredouille à la pêche aux plastiques ! Autant dire que depuis « la fête continue » et tend même à s’accentuer notamment le long des routes. Mais, même en rase campagne, loin des endroits fréquentés, on peut trouver aussi un nombre incroyable de morceaux de plastiques d’origine agricole pour la plupart. Ainsi, ce matin, lors d’une balade sur le chemin qui contourne le puy de Loule par son versant nord, j’ai collecté sur à peu près 300 mètres de chemin une belle collection de plastiques en tous genres ; et encore j’en ai laissé presque autant qui étaient plus ou moins englués dans la terre fraîchement labourée faute d’avoir un sac étanche pour les ramasser. 

Ma modeste collecte sur 300m de chemin

On peut minimiser en disant : bah, c’est trois fois rien ; ça gène un peu la vue … pour ceux qui marchent ! Le problème est que chacun de ces fragments va mettre des siècles à se décomposer tout en se fragmentant au fil du temps en morceaux de plus en plus petits qui vont s’incorporer à la terre et ainsi participer à l’empoisonnement des sols. Nous avons publié une chronique édifiante à ce propos dans la partie scientifique de ce site sur la bombe écologique à retardement que constituent ces microplastiques.

Une « bâche » ou autre grand plastique négligemment abandonné : une source infinie de mini-fragments à venir dispersés par le vent ! (Artonne)

Or, à y regarder de plus près, on se dit qu’il ne faudrait pas grand chose pour éviter cette propagation : simplement ramasser les plastiques après leur usage, les sacs d’engrais, les bâches, les cartouches de chasse, … Ce n’est pas parce que nous sommes en pleine « nature » que l’on a le droit d’abandonner ces déchets à leur triste sort. Et là, on ne peut pas rétorquer qu’il s’agit d’une contrainte insurmontable chronophage : non, juste un état d’esprit responsable et quelques secondes à chaque fois qu’on a fini d’utiliser un plastique !!

En attendant que les comportements changent, ce qui pourrait bien prendre des décennies, nous avons la possibilité, nous marcheurs-promeneurs-usagers de la nature de collecter une part de ces déchets. Là aussi, comme pour leur dispersion, cela ne demande qu’un effort minime : avoir sur soi un sac étanche à mettre dans sa besace ou son sac à dos. Au moins ramasser ce qui se trouve sur les chemins et ce qui reste de taille accessible. La lecture ce printemps d’un livre consacré à la marche naturaliste m’a définitivement converti à cette pratique ; je vous livre le passage où l’auteur, P. Dessaint (voir ci-dessous), parle bien mieux que moi de cet aspect, notamment dans les espaces nature. 

…une dernière recommandation : prévoir des sachets afin de collecter les laisses d’animaux sauvages, pour étude plus tard, quelques fruits et champignons et, surtout, les détritus abandonnés par ses semblables, les mal élevés, les je-m’en-foutistes. Le petit papier tombé de la poche passe encore, mais une couche sale de nourrisson coincée l’air de rien sous un rocher ou à la fourche d’un arbre … Ca me gâche le plaisir. Je ramasse l’emballage de la barre de céréale, le mégot de blonde, la canette en fer blanc. Ca me consterne ! Ca me désole ! Ca me rend triste …  Ces gens marchent dans des espaces encore un peu préservés, plus sensibles que d’autres à la beauté –ou alors pourquoi s’y promèneraient-ils ? – et ils y laissent leurs cochonneries.

Je ramasse les détritus qui ne sont pas les miens et je ne me sens pas idiot. Si, tout seul, je ramasse ce que dix malotrus ont abandonné derrière eux, je trouve que c’est du bon boulot, c’est ma B.A. de la journée, et ça a plus de sens que beaucoup de choses. J’agis ainsi où que je sois dans le monde. La planète est ma maison. J’aime que ma maison soit belle et propre. C’est là une contribution sans doute dérisoire à côté des ravages de l’industrie minière, mais je ne céderai pas au découragement, je garde l’espoir d’un monde meilleur, je pense encore pouvoir jouer un rôle positif, je peux donner l’exemple. Je peux convaincre. Un petit geste, et encore un autre. Mon côté colibri. Dans un roman, je fais dire à un personnage : « C’est peut-être une goutte dans l’océan, mais enlève toutes les gouttes de l’océan, et il n’y a plus d’océan ! ». Voilà, le sac est prêt !

Extrait de : Vers la beauté, toujours ! Pascal Dessaint. Ed. Salamandre. 2020. Auteur de polars naturalistes, P. Dessaint nous invite à partager ses marches dans la nature, de l’excursion hors des sentiers battus jusqu’au périple en montagne. Observateur malicieux, il livre avec humour sa philosophie hédoniste et contemplative de la randonnée, et son émerveillement devant une nature toujours belle et parfois rebelle. 

Si personne ne bouge ou se contente de se plaindre de cette situation, la fête va continuer et chaque plastique en plus est une tache presque indélébile qui va marquer notre environnement pour des siècles ! Alors, si on s’y mettait tous, au moins l’océan y perdrait quelques gouttes … de plastique car n’oublions pas qu’une bonne part de ces plastiques « terrestres » atterrissent finalement dans les océans !