Velella

28/10/2023 Ce printemps, la presse régionale a plusieurs fois titré à propos d’échouages de milliers de « méduses bleues » sur les côtes atlantiques ; les guillemets utilisés à cette occasion étaient opportuns car il ne s’agissait pas de méduses mais d’animaux appartenant certes à l’embranchement des Cnidaires mais bien différents des vraies méduses : les vélelles. Leur couleur bleu intense (tant qu’elles sont vivantes) et la présence de petits tentacules leur a valu, entre autres, ce surnom populaire.

Iconographia Zoologica ; Mus. Amsterdam ; D. P.

Ces petits organismes peuvent s’échouer par milliers, voire centaines de millions sur d’autres rivages. Leur aspect physique très original intrigue à juste titre : nous allons donc les découvrir en détail et montrer l’extrême complexité de ces êtres ultraspécialisés. Belle occasion de tordre le cou au cliché évolutif classique selon lequel les cnidaires en général seraient des êtres primitifs, simplistes, faits à 99% de « gelée pleine d’eau » !

Echouage de vélelles sur une plage (Cliché Narpas ; C.C. 4.0.)

(Dessin image icone : J. Buchkart ; C.C. )

Monde mystérieux

Pour bien comprendre qui sont ces vélelles qui s’échouent sur les côtes, il faut savoir d’où elles viennent. Leur milieu de vie est un écosystème mystérieux largement méconnu, même de la communauté scientifique : la surface de l’océan, à l’interface atmosphère/eau. Là, sur l’ensemble des océans tempérés et chauds, vit une communauté d’organismes libres qui se tiennent juste à la surface : le neuston (du grec ancien neustos, nageant et flottant).

La biodiversité du neuston
Montage Rebecca Helm ; C.C. 4.0.
a) porpite ; b) vélelle ; c) physalie ; d) Actinecta (anémone de mer) ; e) Anatife (Dosima) ; f) jeune poisson volant (Excocet) ; g) Janthina (Gastéropode) ; h) Glaucus atlanticus (Nudibranche) ; i) Recluzia (Gastéropode) ; j) Argonaute (Céphalopode) ; k) Sargasse (algue brune) portant un crabe

On y trouve divers organismes flottants très spécialisés : des algues dont les sargasses, des gastéropodes, des poissons, des animaux fixés sur des débris flottants leur servant de radeaux dont les anatifes et des cnidaires dont les vélelles.

Ce neuston peut être concentré en véritables îles vivantes flottantes qui obscurcissent entièrement la surface ou être dispersé en « prairies » éparses sur des milliers de miles marins. L’écorégion marine la plus célèbre à cet égard est la mer des Sargasses dans l’Atlantique nord.

Tel est donc le royaume des vélelles vivantes : le grand large, dans toutes les mers tempérées et chaudes. Elles flottent passivement et sont incapables, comme tous les êtres du neuston, de se déplacer par elles-mêmes. Leur cycle de vie (voir ci-dessous) fait que leurs populations tendent à « exploser » à certaines périodes et en certains lieux, formant des « blooms » avec des millions d’individus réunis sous forme de gigantesques radeaux. Seuls les navigateurs transocéaniques les croisent parfois. Le record connu concerne un radeau observé dans l’Atlantique et qui s’étirait sur … 260 km !

Dans certaines circonstances (voir ci-dessous), ces radeaux flottants, poussés par des vents violents de terre, dérivent vers les côtes et finissent par s’échouer ce qui signe leur arrêt de mort. Ainsi, les vélelles nous offrent, à nous terriens non familiers des grands espaces marins, une petite fenêtre sur ce monde mystérieux et écologiquement important.

Mini catamaran

Les vélelles fraîchement échouées se repèrent de loin à leur coloration très particulière : bleu clair à bleu intense tout en étant transparente. Cette couleur surprenante se retrouve en fait chez d’autres animaux du neuston dont des méduses ou des escargots prédateurs comme les janthines ; ce serait une forme de protection par rapport aux UV du soleil intense en pleine mer et de camouflage par rapport aux prédateurs. Ces pigments bleus, dont l’astaxanthine, sont synthétisés à partir de pigments caroténoïdes contenus dans les proies ingérées.

Sans cette couleur et leur grand nombre, les vélelles passeraient facilement inaperçues : la majorité ne mesurent que quelques centimètres de long (1 à 6 ; très rarement plus de 10 cm) sur trois de haut. De forme ovale elliptique, elles ont un aspect gélatineux et gluant, trait commun à de nombreux cnidaires libres dont les méduses. Elles s’échouent presque toujours à plat, dans leur position de vie en pleine mer, telles des radeaux.  

On remarque que, contrairement aux méduses, le dessus n’est pas un dôme arrondi gélatineux mais une structure d’aspect rigide, transparente, en deux parties : un disque ovale basal aplati, le flotteur, surmonté d’une voile triangulaire dressée. Un vrai mini catamaran à la voilure surbaissée qui sert d’appareil de flottaison pour les vélelles.

Une fois échouées, les vélelles se décomposent très rapidement mais ce « catamaran » persiste et se retrouve ainsi dans les laisses de mer sous forme d’un « objet » blanc transparent insolite. De consistance cartilagineuse, il est fait de chitine, un matériau glucidique résistant et souple que l’on trouve dans la « carapace » (exosquelette) des crustacés et des insectes ou dans les parois cellulaires des champignons (plus apparentés aux animaux ou métazoaires qu’aux végétaux !).

Image extraite du site 1-Biblio
Légendes traduites : Cnidocyte batteries: batteries de cnidocystes ; medusa bud : bourgeonnement de méduse ; radial canal : canal radial ; sail : voile ; float : flotteur ; air tube : tube aérifère ; air pore : pneumosotome ; ring canal : canal périphérique ; ; stomach : estomac ; mouth : bouche ; buccal cavity : cavité buccale 

Sur le flotteur, on distingue des ellipses concentriques qui signalent le passage de tubes remplis d’air sur l’animal vivant. Ce flotteur correspond à un pneumatophore (pneumat, respiration et phore, porter). Chacun de ces tubes communique avec l’atmosphère par deux petits pores (pneumostomes). Partant de ces tubes, un réseau ramifié pénètre dans la masse gélatineuse corporelle sous le flotteur ; ces tubes sont renforcés par des anneaux chitineux à la manière de ceux des insectes ou de la trachée-artère des vertébrés. Il s’agit là d’un bel exemple de convergence évolutive d’une structure non homologue. (Voir la voile en détail dans le chapitre sur les déplacements).

Polypes

Sous le flotteur se trouve le corps gélatineux de l’animal. En partant de l’extérieur, on trouve un cercle de tentacules simples, courts (1à 3cm), colorés en bleu, dont l’extrémité renflée porte des batteries de cellules urticantes spécialisées, typiques des cnidaires , les cnidocystes. Au moindre contact, ces cellules déploient un filament qui peut injecter un venin toxique pour les petites proies dont se nourrit la vélelle. Contrairement à de nombreuses méduses et surtout aux redoutables physalies, ces toxines sont peu efficaces envers les vertébrés dont les humains qui, sauf exceptions individuelles, y sont peu sensibles. On pourrait donc les manipuler sans risque mais attention à ne pas toucher son visage ou ses yeux avec les doigts souillés car cela peut déclencher des irritations. Mieux vaut les manipuler avec un bâton !

Coupe dans une vélelle montrant les connexions des polypes avec le reste de l’animal. (G H Fowler; Treatise on Zoology ; D. P.)
D : dactylozoïde ; BL : gonozoïde ; G : gastrozoïde ; C : mésoglée ; M : méduse en bourgeonnement ; PN: pneumatophore (flotteur)

En progressant vers le centre, viennent plusieurs cercles d’éléments allongés pendants et creux intérieurement : des polypes, une des deux formes de vie des cnidaires. Ce sont donc des « êtres » individuels mais réunis sur une même structure ; comme ils servent à la reproduction (voir ci-dessous), on les qualifie de gonozoïdes. De même, on interprète les tentacules périphériques comme des polypes très transformés, des dactylozoïdes (dactylo, en forme de doigt).

Enfin, tout au centre, on a une large ouverture, la bouche, au bout d’un tube élargi : un polype nourricier unique, le gastrozoïde ! L’intérieur creux débouche sur une cavité : l’estomac.

Colonie organisée

A noter que sur des individus morts, la plupart de ces éléments se rétractent fortement et deviennent difficiles à voir : la description ci-dessus concerne un animal vivant flottant dans l’eau.

Celui-ci correspond donc en fait à une colonie complexe d’individus (des polypes) réunis sous le flotteur. Cette prédominance de la forme polype les distingue nettement des méduses : on les classe au sein des Cnidaires dans le grand groupe des Hydrozoaires. La majorité de ceux-ci sont des animaux fixés vivant sur les fonds marins (ou en eau douce pour les hydres) ; la vélelle est donc interprétée comme une colonie de polypes qui s’est retournée (la face orale vers le bas) en adoptant un mode de vie libre et flottant.

Colonie d’hydrozoaires classiques vivant fixés sur le fond (benthique)

Tous ces polypes sont réunis autour d’une structure gélatineuse placée juste sous le flotteur, la mésoglée. Tous ces organismes creux se trouvent reliés entre eux via une cavité générale, le cœlentéron, l’équivalent de l’appareil digestif ; autrefois, les cnidaires étaient d’ailleurs nommés cœlentérés. Huit canaux radiaux partent de cette cavité fusiforme pour rejoindre un canal qui fait tout le tour extérieur du flotteur. Des extensions creuses ramifiées (solenia) de la cavité pénètrent dans la mésoglée au-dessus. Cet ensemble de canaux et cavités interconnectées permet à la colonie de partager la nourriture capturée par les polypes individuels. On retrouve une structure de ce type chez les coraux par exemple.

La masse centrale sous le flotteur est organisée en trois couches dont la médiane est spécialisée dans la fabrication de cellules urticantes embryonnaires qui migrent ensuite vers les tentacules pour assurer le renouvellement des cnidocystes. Qui osera encore dire maintenant qu’il s’agit d’êtres simplistes et primitifs !!

Double vie

Comme chez la majorité des Cnidaires, le cycle de vie voit alterner deux générations très différentes, d’importance respective très variables selon les groupes : une phase polype et une phase méduse. L’animal tel que décrit ci-dessus correspond à la phase polype coloniale. Celle-ci se développe par multiplication asexuée donnant naissance à de nouveaux polypes qui s’ajoutent. En mer de Ligurie (Méditerranée), le taux de croissance des colonies était de 0,4mm par jour et une colonie peut vivre plusieurs mois.

Extrait du site jellywatch.org
A droite le cycle de Velella et à gauche, le cycle d’un Hydrozoaire fixé « classique »

Sur les gonozoïdes de la colonie unitaire (voir ci-dessus), on note la présence de protubérances en forme de dés : ce sont de jeunes méduses en train de bourgeonner. Elles se détachent alors qu’elles ne mesurent que 3mm et ont une forme de petite cloche. Des milliers peuvent être libérées en quelques semaines par une seule colonie. Chaque colonie est soit mâle, soit femelle et libère respectivement des méduses mâles ou femelles.

Ces mini-méduses s’enfoncent jusqu’à 600-1000m de profondeur tout en poursuivant leur développement et atteignent la maturité sexuelle. Elles libèrent leurs cellules sexuelles dans ces profondeurs ; la fécondation a lieu dans l’eau et donne des œufs qui éclosent très vite en une larve orange ciliée, dite planula. Tout en remontant, elle se développe et se transforme en larve conaria. Pendant un séjour d’un à quatre mois en hiver en profondeur, elle passe à un troisième stade qui développe alors une voile rudimentaire et un flotteur. Au printemps, elle fabrique une goutte huileuse qui la fait remonter en surface. Ainsi naît la génération de colonies de printemps au moment où le plancton nourricier explose.

Ceci explique que la majorité des échouages ait lieu à cette saison. Mais une seconde génération peut émerger en automne, plus petite et moins nombreuse, sans doute à cause de la moindre ressource en plancton à cette époque.

Double jeu alimentaire

Avec leur équipement de cnidocystes (voir ci-dessus), les vélelles peuvent paralyser des petites proies se déplaçant dans la colonne d’eau proche de la surface et qui passent entre ses tentacules. Elles se comportent en planctonophages actives et vu leurs effectifs souvent colossaux, elles doivent largement influencer le réseau trophique autour du zooplacton.

Réseau alimentaire autour du neuston dont les vélelles au centre
Montage Rebecca Helm ; C.C. 4.0.
Le poisson en bas à droite est un poisson-lune ; l’oiseau à droite : un puffin qui pêche en surface

A l’occasion d’un épisode d’échouage massif en Méditerranée occidentale (mer de Ligurie), des analyses de contenu des gastrozoïdes ont permis d’avoir une idée du régime alimentaire des vélelles. 59% des proies trouvées étaient des larves d’Euphausiidés, ces petites crevettes qui forment le krill : elles sont capturées de nuit lors de leur phase d’activité. Pour le reste, des copépodes (41%), autres petits crustacés planctoniques, des œufs de poissons (2,2%) et des larves diverses (0,5%) étaient capturés de jour et de nuit. Les temps de digestion varient de 4 à 6 heures.

Par ailleurs, on a depuis longtemps observé que la mésoglée (voir ci-dessus) renfermait des algues microscopiques symbiotiques, des zooxanthelles, du même type que celles vivant avec les coraux (Cnidaires eux aussi). Elles doivent apporter un complément alimentaire via les sucres qu’elles produisent par photosynthèse et dont une partie est récupérée par l’hôte. Leur présence donne une coloration brun olive à la mésoglée sous le flotteur. 

Si vous voulez en apprendre beaucoup plus sur cet étonnant dragon bleu, rendez-vous sur l’excellent site Baleine sous gravillon : deux articles très approfondis lui sont consacrés : Le dragon bleu, un venimeux gastéropokémon et Le dragon bleu, un nudibranche aux méthodes de reproduction étonnantes

Les vélelles constituent de leur côté une ressource alimentaire potentiellement considérable. Quelques espèces de prédateurs très spécialisés sur les cnidaires du neuston (méduses, vélelles et physalies) s’en nourrissent : l’énorme poisson-lune ou môle (une à deux tonnes !) ; un escargot à coquille classique  mais bleu violacé (lui aussi !) : la janthine, qui flotte via des bulles de mucus agglomérées autour de son ouverture ; un nudibranche (gastéropodes marins sans coquille ou « limaces de mer »), le dragon bleu ou hirondelle de mer Glaucus atlanticus  qui récupère les cnidocystes des vélelles pour devenir lui-même urticant !

Bâbord ou tribord

On aura compris que le « squelette » chitineux composé du flotteur et de la voile permet aux vélelles de se déplacer passivement à la manière d’un voilier. Pour un animal vivant en permanence au grand large, les performances de cette voile sont donc décisives pour sa survie.

La voile se compose de couches fines superposées de fibres de chitine, plutôt disposées parallèlement à la surface. Une analyse mécanique en soufflerie montre qu’elle n’est ni particulièrement rigide avec une certaine souplesse, ni particulièrement robuste. Ces propriétés rapprochent en fait ce matériau du cartilage des vertébrés bien plus que de la carapace chitineuse des insectes, nettement plus rigide.  Cette analogie a valu d’ailleurs à ce groupe d’être qualifiés autrefois de chondrophores (« porteurs de cartilage »).

Divers éléments viennent accroître la rigidité de cette voile : la base est plus épaisse que le reste du squelette et porte un réseau de crêtes qui la renforcent. La forme surbaissée, triangulaire ou semi-circulaire et les ornementations apportent plus de stabilité et de navigabilité, loin des performances de vitesse qu’apporteraient des voilures hautes et grandes.

Un détail de structure joue un rôle majeur : l’insertion de la voile sur le flotteur se fait par une ligne oblique par rapport au grand axe du flotteur, selon un angle allant jusqu’à 45° Ceci aide à prévenir l’entortillement de la voile qui se penche et revient à sa position initiale sous l’effet de coups de vents irréguliers. Mais cette oblicité a une autre conséquence inattendue sur la navigation de ces animaux.

La grande majorité des vélelles ont une voile orientée nord-ouest/sud-est si bien qu’elles tendent à naviguer à environ 45° à droite des vents de nord-ouest dominants pas trop forts : ceci les maintient au large, soit dans leur milieu de vie. Par contre, lors d’épisodes de vents de sud très forts en direction des côtes, elles ont tendance à tourner sur elles-mêmes et suivent alors le vent sous un angle bien plus serré ce qui les drosse sur la côte.

Mais, on trouve en petit nombre des individus à la voile orientée sud-ouest/nord-est et qui, de ce fait, dérivent en direction opposée ! On a souvent avancé qu’il s’agissait là d’un « moyen » de favoriser une dispersion à plus grande échelle en scindant les populations en deux. Mais, en pratique, ces individus sont nettement plus rares et leur proportion ne semble pas corrélée ni avec les vents dominants ni avec l’hémisphère de vie (sens inverse pour les vents).

Biomasse

Les échouages massifs par millions d’individus à la fois, même très irréguliers, ne sont pas sans impact sur les côtes.

Ainsi, lors d’un tel épisode en avril 2016 dans la mer de Ligurie italienne, les dépôts accumulés sur les plages formaient des bandes parallèles au rivage, de parfois plus de dix centimètres d’épaisseur. Les densités maximales de colonies (« individus ») relevées étaient de 114 000 colonies/m2 et les biomasses échouées variaient de 0,22 à 0,6 kg/m2 de matière sèche qui se décompose très rapidement. Mais ces valeurs restent encore bien loin des records mesurés sur les côtes pacifiques des U.S.A. de 2,5kg/m2 !

Même si une partie des animaux morts sont repris par les marées suivantes et remmenés au large ou déplacés latéralement, ces échouages représentent d’un point de vue écologique un évènement majeur de dépôt de matière organique animale sur des plages tempérées ou tropicales, milieu réputé pour sa grande pauvreté en apports nutritifs (chronique). Les squelettes chitineux persistent longtemps et sont ensuite déplacés par les vents vers le pied des dunes : ils participent ainsi à l’enrichissement en azote (la chitine est un glucide aminé) de cette frontière terre/mer où se développe une flore nitrophile pionnière.

« Squelettes » de vélelles secs dans la laisse de mer

En Méditerranée (voir exemple ci-dessus), en dehors des échouages de feuilles de posidonies (plantes à fleurs marines formant des herbiers), ces apports de vélelles constituent le plus important dépôt de matière organique soit 250 kg/km de plage environ pour un des épisodes.

L’impact écologique de ces apports colossaux et brusques reste encore inexploré ! En tout cas, ceci illustre l’interconnexion complexe entre écosystèmes marins à l’échelle planétaire avec un transport ici de la production pélagique au large vers les milieux terrestres.

Changement climatique

L’occurrence récente de ces échouages sur les côtes atlantiques par exemple (mais pas en quantités massives) interroge évidemment quant au lien possible avec le changement global, climatique et écologique. Est-ce que ce dernier, notamment via l’enrichissement des eaux en matières nutritives (eutrophisation) et le réchauffement continu des eaux marines, favorise les explosions de populations au large, ce qui augmenterait les possibilités d’échouages ? Ou bien est-ce seulement un effet collatéral de changements dans le régime des vents ou des courants (notamment les phénomènes El Nino dans le Pacifique), la récurrence de tempêtes plus violentes avec des vents de terre, qui entraînent plus facilement et plus souvent des radeaux entiers de vélelles ? Difficile à dire pour l’instant !

Il est clair que la fréquentation de plus en plus grande des milieux côtiers induit une sur-représentation de ces évènements ; des programmes de sciences participatives existent d’ailleurs pour les suivre et fournissent des données intéressantes. Une étude globale parue en 2013 a analysé les pullulations périodiques de méduses, autres membres du neuston où vivent les vélelles. Contrairement à une idée reçue, l’analyse des données montre qu’il n’y a pas de preuve tangible d’une augmentation globale des méduses : tout au plus une légère augmentation continue depuis les années 70. Reste à suivre cette tendance pour voir si elle s’accentue ? L’étude met plutôt en avant des oscillations de grande ampleur à l’échelle mondiale en gros tous les vingt ans.

On peut trouver dans les échouages deux autres espèces de cnidaires « bleus » pouvant prêter à confusion : la porpite, petite et ronde, possède elle aussi un squelette chitineux mais sans voile et elle appartient à la même famille que les vélelles ; la physalie ou galère portuguaise est bien plus grosse et distincte par son gros flotteur en forme de baudruche et ses très longs tentacules très urticants et dangereux : elle se classe dans un autre groupe de Cnidaires, les siphonophores.

Bibliographie

1)Site Invertebrate Zoology on line

2)Site DORIS (Données d’Observations pour la Reconnaissance et l’Identification de la faune et la flore Subaquatiques)

Digestion and predation rates of zooplankton by the pleustonic hydrozoan Velella velella and widespread blooms in 2013 and 2014 JENNIFER E. PURCELL et al. J. Plankton Res. (2015) 37(5): 1056 – 1067.

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