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Amsterdam. Photo Y. Pomarat.

Si la conservation de la biodiversité dans les milieux dits naturels fait l’objet d’un consensus général et attire l’attention des médias, la conservation de la biodiversité urbaine ne soulève pas autant d’enthousiasme quant elle ne suscite pas le mépris ou l’indifférence notamment dans les cercles naturalistes. Il est vrai que définir la biodiversité urbaine soulève quelques problèmes épineux : la place prépondérante de l’homme (mais ne devrait il tout autant avoir une place centrale dans la biodiversité « naturelle » ?) et celle des nombreuses espèces exotiques introduites volontairement (plantations notamment) ou naturalisées (dont les espèces invasives). Doit-on les exclure ou les prendre en compte pour les rôles positifs qu’elles peuvent apporter dans certains domaines : lutte contre le réchauffement climatique par exemple, bien-être humain, mais aussi dans des domaines plus écologiques comme la survie des pollinisateurs (voir à ce propos la chronique sur le kolkwitzia, arbuste mellifère planté en ville) ? N’oublions pas que d’ici 2030,  plus de 60% de la population mondiale vivra dans des villes et que déjà les paysages urbanisés occupent plus de 10% de la surface mondiale des bandes côtières. Donc, de toutes façons, cette biodiversité urbaine, qu’elle ait nos faveurs sentimentales ou pas, il faudra apprendre à composer avec elle pour espérer un environnement vivable en ville.

Il importe donc de bien définir ce qu’on attend de cette biodiversité urbaine pour définir les priorités : une synthèse publiée en 2009 (1) propose sept motivations majeures pour conserver la biodiversité urbaine selon une gradation allant de celles prioritairement en faveur de la nature à celles en faveur de l’homme.

Les motivations « nature »

Peu de gens savent que, même si on exclut la biodiversité exotique introduite, la richesse en espèces des zones urbaines et péri-urbaines reste supérieure à celle des environnements naturels sur lesquelles elles se sont installées : ceci s’explique par l’arrivée d’espèces opportunistes locales qui s’adaptent ou exploitent l’environnement urbain et profitent de certains de ses avantages (voir la chronique sur le Top 10 de la flore spontanée des grandes villes). Mais des espèces rares ou très rares y trouvent aussi refuge : la plus importante population du glaïeul des marais, espèce en voie de disparition, de toute l’Union européenne se trouve dans une zone récréative protégée de l’agglomération d’Augsburg en Allemagne. Dans de telles situations, des stratégies visant à concilier fréquentation humaine et maintien d’espèces emblématiques doivent être mises en place. Dans les régions de plaine où par définition les affleurements rocheux sont très rares ou absents, les milieux urbains avec notamment les grands édifices et les cimetières offrent des milieux de prédilection pour les lichens dont la diversité locale peut être très importante. Les murs des villes, notamment les vieux murs abritent une riche flore d’espèces de milieu rocheux comme les fougères (voir la chronique sur la capillaire des murs et la doradille noire).

Avec la dégradation des milieux agricoles qui entourent souvent les villes, celles-ci peuvent devenir des refuges ou des sources pour recoloniser les espaces environnants. Ainsi, diverses espèces animales ou végétales qui connaissent une forte régression dans les campagnes agricoles du fait de l’intensification et de l’usage excessif des pesticides maintiennent des populations plus ou moins importantes dans les villes et villages ; on peut citer pour les oiseaux par exemple le serin cini commun dans les parcs et jardins urbains ou l’installation croissante des colonies de corbeaux freux en milieu urbain (voir aussi les exemples de colonisation des villes par des oiseaux dans les chroniques sur le pigeon ramier ou la tourterelle turque).

Pour les plantes, on observe ponctuellement certaines espèces messicoles (qui vivent dans les moissons de céréales) devenues très rares en milieu agricole et qui maintiennent des populations florissantes dans les cimetières urbains ! Plus étonnant encore le cas du gnaphale blanc-jaunâtre, une espèce inféodée aux grèves des mares et étangs et en très forte régression en Ile-de-France et dont la majorité actuelle des stations se trouvent …. dans Paris sur les quais ou les cours pavés d’hôtels particuliers où il a retrouvé des conditions ad hoc !!

Les environnements urbains constituent de vrais laboratoires pour étudier et comprendre comment les espèces s’adaptent à de nouvelles conditions environnementales : protéger des zones naturelles dans les villes peut donc être l’occasion d’observer comment les espèces se maintiennent dans ces milieux en dépit d’un environnement très différent (bruit, pollution, température, ….) ou au contraire s’en trouvent exclues du fait de conditions nouvelles défavorables (voir la chronique sur le moineau exclu des beaux quartiers) . On peut ainsi à partir des résultats obtenus anticiper ou atténuer les effets de futures transformations dans les milieux non urbains ou appelés à être urbanisés.

Les motivations « Homme »

Connecter les humains avec la nature devient un enjeu capital quand plus de 50% de la population mondiale vit désormais dans les villes et dont une bonne partie ne connaît comme environnement quotidien que celui des villes. Comment motiver et faire comprendre l’intérêt de conserver la biodiversité à une échelle globale et notamment dans des milieux naturels loin , très loin, du quotidien de ces personnes, si ce n’est en leur faisant découvrir la diversité qui existe autour d’eux, son intérêt pour eux mêmes et comment la protéger et la favoriser.

Les programmes de sciences participatives comme ceux développés par le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris (2) portant par exemple sur le suivi des pollinisateurs dans les jardins, ou les oiseaux qui visitent les mangeoires en hiver ou les plantes sauvages au cœur des rues s’inscrivent dans cette idée fondamentale. Sans une éducation et une sensibilisation à cette biodiversité, les décideurs de demain ne seront pas sensibles à l’importance des mesures environnementales autant en ville qu’à l’extérieur.

Les villes procurent des services écosystémiques majeurs dans divers domaines :

– la lutte contre les inondations : zones naturelles tampons, bassins de rétention, surfaces végétalisées, toits végétalisés fonctionnant comme des éponges lors des orages, ….

– l’amélioration de la qualité de l’air via les arbres et la végétation implantée en ville : aux USA, on estime que les arbres urbains éliminent annuellement 710 000 tonnes de polluants atmosphériques

– la lutte contre le réchauffement climatique : les surfaces boisées ou végétalisées apportent de la fraîcheur et de l’humidité tout comme les toits et murs végétalisés

– le stockage du carbone dans le cadre de la lutte contre l’effet de serre : végétation et sols urbains ont une part importante à jouer

– procurer des milieux de vie nouveaux pour les espèces : les toits végétalisés sont devenus par exemple des refuges majeurs pour une importante biodiversité d’araignées en Grande-Bretagne.

C’est à travers ces services que surgit le dilemme de la part des espèces exotiques : les arbres exotiques plantés en ville doivent ils être pris en compte dans la biodiversité urbaine par exemple ? Si on se réfère à ce critère des services, la réponse est nettement … oui !

L’amélioration du bien-être humain est un enjeu considérable pour l’avenir de l’espèce humaine.

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Les effets bénéfiques des espaces verts urbains sont considérables et largement sous-estimés aussi bien en matière de santé physique que psychologique. La planification de l’espace urbain demande une prise en compte de l’accessibilité pour chaque habitant (à pied !) à un espace vert.

Pour une autre perception de la biodiversité

La conservation de la biodiversité a trop longtemps été associée aux grands espaces vierges ou ruraux où l’homme est « exclu » ou aux espèces emblématiques rarissimes. Il faut désormais élargir ce concept à toutes les espèces y compris à ce qu’on appelle la biodiversité ordinaire, riche elle aussi de milliers d’espèces et prendre en compte ces nouveaux espaces urbains appelés quoiqu’on en pense à s’étendre et où vont vivre de plus en plus d’humains : ils peuvent devenir des hot spots de biodiversité si on réfléchit ensemble à des mesures de conservation adéquates, en s’appuyant notamment sur les points développés ci-dessus pour définir des objectifs et des priorités. C’est ce que l’on appelle l’écologie de la réconciliation qui associe étroitement nature et homme, sachant que la première ne pourra survivre sans le second et vice versa !

BIBLIOGRAPHIE

  1. Motivations for Conserving Urban Biodiversity. DONALD C. DEARBORN AND SALIT KARK. Conservation Biology 2009.
  2. Vigie nature : observatoires de la biodiversité y compris en ville.

A retrouver dans nos ouvrages

Retrouvez la flore et la faune des villes
Page(s) : Le guide de la nature en ville
Retrouvez la flore des villes et villages
Page(s) : Guide des plantes des villes et villages