Cette chronique est dédiée à la biodiversité du val de Morge en Limagne auvergnate (dont la commune de St Myon où le réside). Vous pouvez retrouver toutes les chroniques sur la nature dans le val de Morge en cliquant ici

19/05/2021 Cette année, la gestion des espaces enherbés communaux a commencé à évoluer vers une meilleure prise en compte progressive de l’environnement. Ainsi, au bord de la Morge, juste en amont du pont sur la rive droite, une bande de quelques mètres longeant la rivière n’a pas été fauchée ce printemps lors des deux passages qui ont déjà eu lieu. Depuis le pont, cette bande herbeuse interpelle le passant par son aspect multicolore. Bref, sans même être un spécialiste en botanique, on pressent qu’il y a de la diversité dans cette bande conservée. Descendons donc voir au bord de la rivière ce que renferme ce petit morceau de nature qui ainsi échappé à la faucheuse.

En quatre couleurs 

Une touffe de barbarée (jaune) au milieu d’un massif de compagnons rouges

On trouve ici un condensé d’une bonne partie de la flore typique des bords frais et humides de la Morge. De belles touffes d’un pourpre intense accrochent tout de suite le regard : ce sont des compagnons rouges, une espèce de silène plutôt montagnarde et qui recherche les lieux frais. Des touffes plus basses d’un superbe bleu azur se détachent au plus près de l’eau : des myosotis des bois avec leurs fleurs ornées d’un liseré jaune intense en leur centre. 

Puis viennent les jaunes : de grosses touffes de chélidoine, l’herbe-aux-verrues (voir la chronique) et quelques barbarées vulgaires ; vers le pont, au ras de l’eau, une petite colonie de renoncule rampante a fleuri et offre ses boutons d’or qui tranchent avec le feuillage vert très sombre. 

Les blanches dominent tant par le nombre d’espèces que par leur hauteur. Il reste quelques alliaires encore en fleurs, la plante à odeur d’ail quand on froisse son feuillage, mais c’est la fin de leur saison. Des massifs de lamier blanc, l’ortie blanche, émergent à grand peine de l’herbe et affichent leurs grandes fleurs en casque (voir la chronique) : deux bourdons s’activent de fleur en fleur, une manne de nectar pour eux.

Deux grandes ombellifères se déploient et dominent la mêlée : quelques anthrisques ou cerfeuils sauvages (voir la chronique), la plante qui déferle en ce moment au bord des chemins sous forme de vastes colonies toutes blanches et les premières berces fleuries avec leurs opulentes ombelles et leurs tiges robustes. Elles vont se déployer encore plus et attirer des foules de visiteurs ailés : abeilles, guêpes, tenthrèdes, scarabées, mouches, …

Nuances de vert 

Massif d’orties : une belle barrière écologique !

Le vert sombre des orties domine l’ensemble ; un beau rempart pour limiter le piétinement humain ! Une grosse colonie de chenilles de vanesse petite tortue est à l’œuvre en train de grignoter les feuilles ; des hordes de pucerons attirent des dizaines de coccinelles, presque toutes des asiatiques ; … les orties représentent des plantes clés pour la faune comme source de nourriture directe ou indirecte ! 

Les graminées, les « herbes », complètent le décor avec là encore une certaine diversité, appréciable maintenant qu’elles ont commencé à fleurir : les gros épis en pelotes du dactyle, les panicules rosées de la houlque laineuse, les épillets à longue pointe du brome stérile ou les épis denses des vulpins des prés. A tout ce monde s’ajoutent les plantes « en devenir » en train de monter leurs tiges : là, une touffe de scrofulaire noueuse à odeur forte ou le feuillage vert tendre du lilas d’Espagne (ou galéga officinal) qui va fleurir d’ici un mois. 

Une touffe de feuilles géantes intrigue, faisant penser à de la rhubarbe : c’est la grande bardane, l’herbe aux grattons (voir la chronique) ; sous ses feuilles se cache un escargot petit-gris en plein repas ; dessus, on remarque un petit « paquet » de pailles courtes : une chenille de psyché, un papillon nocturne, qui s’est fabriquée un fourreau pour se protéger à la manière des porte-faix dans la rivière. 

Cette jungle herbacée exubérante va voir arriver à partir de début juin par dizaines un insecte extraordinaire, un « petit bijou bleu irisé » (voir la chronique), une cétoine, la hoplie bleue. On dirait vraiment un insecte égaré des Tropiques ! Cette espèce rare et localisé fréquente les bords de Morge et, à elle seule, justifie le maintien de cette bande fleurie où elle va pouvoir boucler son cycle de reproduction. Les années précédentes, quand on fauchait tout, on anéantissait la petite population de cette espèce condamnée à « aller voir ailleurs » ! 

Ilot providentiel 

Arbre mort en travers du lit créant un embâcle providentiel

Dans le lit de la Morge, un grand arbre mort s’est échoué cet hiver en travers formant un embâcle (voir la chronique sur ce sujet) : c’est un élément très intéressant pour la vie de la rivière, à laisser absolument en place (même si visuellement d’aucuns trouvent cela « pas beau » !) car il engendre autour de lui une modification du courant et le dépôt de vase et de sable, créant ainsi des micro-milieux favorables à la faune de la rivière. Les poissons ont besoin de tels sites pour s’abriter, se reproduire, se cacher ou éviter la force du courant qui les entraîne (en hiver). Les larves d’insectes aquatiques comme celles des demoiselles, les libellules aux ailes tachées de bleu foncé vont y trouver aussi refuge. Dès juin, nous pourrons admirer les évolutions papillonantes des adultes qui se posent volontiers sur les hautes herbes près de l’eau.

Un ilot de sédiment s’est formé au cours des dernières années en parallèle de la berge : lui aussi créé de nouveaux milieux très propices à la biodiversité. Des aulnes ont déjà colonisé la tête de l’île nouvelle tandis que les grandes feuilles des angéliques colonisent la pointe aval et annoncent de hautes floraisons à venir, très attractives pour les insectes pollinisateurs. Les chauves-souris, régulièrement présentes autour du pont, vont trouver là un terrain de chasse riche en nourriture ! 

Un fouillis luxuriant plein de biodiversité : l’esthétique du vivant !

Village de biodiversité 

Ce rapide tour d’horizon souligne, s’il en était besoin, le grand intérêt de conserver ainsi une bande non fauchée qui évite par ailleurs la dégradation de la berge par le piétinement. Nous vous invitons à aller voir de près toute la richesse de cette petite oasis, notamment en juin au moment pour admirer les superbes hoplies bleues (on ne les récolte pas ! elles sont protégées), sans entrer dans cette bande herbeuse, juste en la longeant. Le village organise chaque année un concours des maisons fleuries ce qui est bien en soi mais ne pourrait-on pas élargir le concept aux espaces communaux fleuris et chaque année élire celui qui nous a le plus ébloui ou qui a attiré le plus d’espèces inhabituelles ! Il faudrait pour cela multiplier de tels endroits où on ne faucherait plus pendant la belle saison, au moins ponctuellement : au pied d’un mur, d’un côté d’un chemin, une partie d’une pelouse d’un communal, … Les services départementaux commencent à montrer l’exemple en ne fauchant qu’une bande restreinte le long des routes laissant la visibilité : alors pourquoi pas la même chose sur les accotements gérés par la commune ?  

Accotement de la route de St Myon à Beauregard-Vendon : limiter la fauche à ce qui est vraiment nécessaire

Et si l’an prochain, on élargissait la bande au bord de la Morge de deux mètres supplémentaires : cela laisse un grand espace pour se promener et pique-niquer … tout en appréciant les beautés de la nature. Faire de nos espaces communaux des sites privilégiés pour la protection de la biodiversité, un projet simple, pas cher (on fauche moins !), moins polluant (on dépense moins de carburant !) et qui « enrichit » tout le monde ; faire de St Myon un village de biodiversité, un beau projet, non ?