Le dispositif Espaces Naturels Sensibles (E.N.S.)  mis en place par le Conseil Général du département du Puy-de-Dôme gère 21 sites remarquables pour leur patrimoine naturel afin de les protéger et de les aménager à des fins d’ouverture au public et de pédagogie de l’environnement. L’E.N.S. de  de la Côte Verse entre Châtelguyon et Volvic a été créé en 2009 à l’initiative de la commune de Volvic et couvre presque une centaine d’hectares. Il se trouve sur le territoire du Parc des Volcans d’Auvergne et dans le Bien inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ce site entièrement boisé se situe au pied de l’escarpement généré par la Grande Faille de Limagne qui sépare à l’ouest les plateaux granitiques des Combrailles (voir la zoom-balade de Château-Rocher) et de la Chaîne des Puys de la plaine de Limagne aux terrains sédimentaires à l’Est. Sur une courte distance, on passe de 400m au niveau de la plaine à plus de 700m sur le rebord du plateau ; deux ruisseaux intermittents, le Barret et le Sauzet, entaillent profondément ces pentes granitiques enrobées d’arènes (sables issus de la dégradation du granite), générant un paysage original de ravins profonds en forme de V. Nous avons composé un circuit de découverte parmi les divers circuits de promenade qui parcourent ces lieux (on s’y perd un peu avec cinq balisages différents !) autour de ces ravins. 

21/08/2020. En cette fin d’août sèche et chaude, nous nous sommes centrés sur les milieux forestiers très diversifiés, les arbres remarquables dont les châtaigniers, le bois mort omniprésent sous de multiples formes et quelques éléments de patrimoine historique, culturel et géologique. Nous consacrerons au printemps prochain une autre chronique dédiée à la faune et à la flore à une période plus propice. Un circuit de découverte (selon un parcours différent) dédié à la faune (oiseaux surtout) existe déjà sur le site de la LPO .

La chronique suit le cheminement selon le plan ci-dessous avec les numéros servant de repère. 

1. 

Ambiance montagnarde

Dès les premiers pas sur le sentier qui remonte le vallon du Barret, l’ambiance forestière montagnarde s’impose alors que nous ne sommes pour l’instant qu’à 460m d’altitude : un peuplement de grands arbres occupe les pentes fraîches et ombragées à base d’épicéas et de sapins blancs aux troncs rectilignes mêlés de feuillus dont de grands érables sycomores. Le lierre tapisse une partie de la pente tandis que de nombreux jeunes sapins ou sycomores témoignent de la forte régénération naturelle qui colonise la moindre trouée et notamment les bords du ruisseau ou du chemin. 

Outre l’encaissement et l’orientation nord de ce versant, la présence du ruisseau explique cette luxuriance relative. En cette fin août d’une année encore très sèche, il ne coule plus qu’un maigre filet d’eau entre des flaques installées dans des mini-marmites d’érosion. Mais un détail surprenant attire tout de suite le regard : de grandes taches orange vif dans le lit du ruisseau.

En s’approchant, on découvre des dépôts ferrugineux couleur rouille composant de belles mosaïques dans ce décor sombre. Il s’agit d’écoulements latéraux de sources aux eaux fortement minéralisées comme celles que l’on peut voir dans le parc thermal de Châtelguyon. 

Si en ce moment le ruisseau se réduit à un filet, certains passages très encaissés et creusés tels des mini-canyons attestent de flots assez violents lors notamment d’épisodes orageux intenses locaux ; ces petits ruisseaux se comportent à leur échelle en fait comme leurs grandes sœurs, les couzes (voir la zoom-balade  Le sentier des Sources à Ardes), et génèrent un « pays coupé » noyé sous la forêt. 

Micro-canyon

Nous allons faire une exception ici et parler de la flore installée dans le lit du ruisseau car là seulement elle se montre en « bon état ». Les fougères composent une scène semi-tropicale avec par exemple, près d’un seuil rocheux quatre espèces côte à côte !  Au plus près de l’eau se sont installées des plaques de dorine  à feuilles opposées, une spécialiste des sources et suintements ; la lysimaque des bois trouve ici la fraîcheur et l’ombrage recherchés ; l’oxalis petite-oseille prospère quant à elle sur les tapis moussus des talus abrupts qui surplombent le ruisseau. 

2. 

Rapidement, en remontant, le ruisseau cesse de couler : il n’est en fait alimenté dans le bas que par les sources latérales en cette saison. On remarque d’anciens ouvrages : là un captage, ici un barrage en pierres en travers du lit, puis, à la fourche des chemins, un ancien aqueduc qui enjambe le ravin, le pont de Barret. Ces ouvrages datent des 18 et 19èmes siècles et servaient à alimenter en eau les villages de Tournoël et de Crouzol : la bordure de la Chaîne des Puys se caractérise en effet par un réseau hydrographique soit inexistant (infiltré) ou intermittent comme celui-ci. 

Le pont a été restauré mais toutes les pierres ont été rejointées au ciment ce qui a supprimé des abris potentiellement favorables à l’installation de chauves-souris, une des richesses de ce site. 

3. 

Omniprésence du bois mort

Le sentier longe le vallon encaissé en montant progressivement. L’abondance du bois mort sous des formes multiples saute aux yeux : arbres morts sur pied (essentiellement des conifères) encore droits ou à moitié couchés ; branches et troncs morts au sol, couverts ou pas de mousse ; vieilles souches en décomposition plus ou moins avancée ; bois coupé entassé ou laissé sur place ; chablis culbutés par le vent, avec leur couronne de racines enrobées de terre et de cailloux ou à moitié déracinés et ménageant à leur base de belles cachettes et abris pour amphibiens, petits mammifères ; parties mortes d’arbres encore vivants : cavités, fissures, écorces soulevées, … Bref, toute la panoplie infinie des formes du bois mort (voir les chroniques sur ce sujet : Les fossoyeurs du bois mort ; L’arbre vivant : une mégalopole de microhabitats). Une telle abondance et diversité de bois mort laisse présager de la richesse du peuplement  associé à ce milieu de vie dont les insectes  saproxyliques comme le lucane cité dans la plaquette de présentation du site (voir la chronique sur le lucane). 

De très vieux arbres spontanés au bord du sentier représentent autant de promesses de fourniture à venir de nouveau bois mort : ici, un énorme érable plane à la belle écorce finement fissurée ; là, un gros peuplier noir sauvage enlacé par un lierre à sa base, véritable « varice » naturelle !

Un vieux châtaignier taillé en têtard a vu une partie de sa couronne s’effondrer lui « ouvrant la tête » ; on devine du terreau accumulé dans cette coupe perchée : là,  un jeune épicéa d’un bon mètre de haut a réussi  à s’installer mais la sécheresse a eu raison de lui. Incroyable raccourci d’histoires de vie entremêlées que cet arbre vénérable devenu un jardin suspendu pour une graine volante de conifère ! 

4. 

Justement, plus on monte, plus on voit de vieux châtaigniers, une des spécialités de ces vallons de pied d’escarpement de la faille de Limagne. On pense que la plupart d’entre eux ont été plantés il y a plusieurs siècles par les paysans comme arbres ressources (pour les fruits et le bois) ; certains doivent avoir près de trois cents ans. Il faut aussi imaginer que ces arbres ont grandi dans un décor radicalement différent, fait de pâtures et de cultures vivrières avec le ruisseau aménagé comme en atteste la  taille en têtard qui ne fonctionne qu’en milieu bien éclairé (voir la chronique sur les trognes). Avec le boisement spontané et les plantations de résineux, ces vieux châtaigniers se retrouvent dominés par les nouveaux venus qui les dépassent et les « étouffent » progressivement. Leur longue agonie s’accompagne de la formation de cavités, de fissures, … de micro-habitats très favorables à la biodiversité, y compris pour les chauves-souris cavernicoles. 

Après un premier virage en épingle à cheveux, sur le talus à droite, s’est installée une colonie de touffes de polystics à soies, une jolie fougère peu commune, repérable de loin à sa couleur d’un beau vert et à la finesse des découpures de ses feuilles. 

Un peu plus haut, après une zone rocheuse, sur la gauche, voici deux énormes châtaigniers encore vivants ; le premier possède une énorme boursouflure bosselée à sa base tel un baobab ; le second, en arrière sur une sente latérale, vient de perdre un tronc latéral couché en travers ce qui a généré sur le pied mère une belle blessure, porte d’entrée des champignons ou des insectes saproxyliques.

Evidemment, comme très souvent, un carnivore (martre ?) n’a pas résisté à ce support en hauteur pour y déposer une crotte remplie de noyaux de merises : une borne de marquage du territoire ! 

5. 

Le chemin grimpe raide et devient écorché et raviné. Avec le changement de versant, on entre dans un nouveau type de boisement : une chênaie sèche et clairsemée, avec de belles cépées de vieux noisetiers. Des affleurements rocheux émaillent le paysage : des touffes de grands orpins, capables de résister à la sécheresse, sont fleuries. Ces draperies sèches pendantes sont celles du tamier ou herbe aux femmes battues (voir la chronique sur cette liane). On quitte ainsi l’ambiance montagnarde pour entrer dans une nuance dite « thermophile », plus chaude et plus éclairée.

Sur la gauche, une énorme cépée de charmes mérite un petit détour avec ses troncs vénérables tortueux, moussus, déployés en tous sens et appuyés sur un gros rocher : œuvre d’art, monument naturel ! 

6. 

Ambiance chaude et sèche

On poursuit sur le sentier dit du puy de la Bannière et comme le versant tourne, on revient vers une haute futaie de grands arbres dont de beaux érables sycomores. Dans la pente en contrebas, un double chablis « en cascade » (l’un a entrainé l’autre dans sa chute) a ouvert une vaste trouée propice à l’installation d’espèces amies de la lumière. On passe le point culminant de la balade (647m) au milieu d’un boisement lande très ouvert et éclairé : des massifs de ronces se développent au bord du chemin et offrent leurs mûres. Puis, le sentier descend dans une pente très raide, rocheuse, ravinée.

A gauche, juste au bord, un pin sylvestre au tronc couché à l’horizontale a réussi à se redresser au bout et à redonner un houppier (voir la chronique : Même jeté à terre, il peut se relever), un bel exploit. Dans le vallon suivant (altitude 590m) c’est une une chênaie hêtraie avec de grands hêtres : ainsi se succèdent les boisements subtilement ou franchement différents au fil  des sinuosités et des variations d’altitude, belle illustration de la biodiversité des milieux garante d’une riche biodiversité des espèces. 

100 mètres plus bas, la hêtraie chênaie !

7. 

Près de la jonction avec la piste conduisant au château de Tournoël, le paysage s’ouvre sur des prés et leur cortège de vieux arbres comme ce châtaignier bien vivant mais à demi couché ou ce vieux frêne habillé de lierre.

Châtaignier

Une source s’écoule sur le chemin attirant les guêpes qui viennent se ravitailler en eau : micro-oasis dans ce décor sec avec les touffes de fougère mâle. Une borne en pierre de Volvic au pied de la source porte cette inscription : D’APCHON 1590. Incroyable saut dans le temps : elle rappelle la mémoire d’un des seigneurs ayant occupé le château de Tournoël : Charles d’Apchon. 

8. 

Un haut talus surplombe la piste à droite avec de belles colonies de fougères mâles ; à gauche s’ouvre le ravin du ruisseau de Sauzet. Au sommet du talus, gît un très vieux châtaignier mort tombé récemment et dont on a élagué les branches ; une grosse cavité sur son flanc est remplie de terreau : elle sera vite colonisée par diverses fleurs comme les géraniums herbe-à-Robert.

A côté de ce géant terrassé, se teint un autre vénérable au tronc mort toujours en place mais qui a réussi, depuis sa base élargie, à engendrer plusieurs troncs qui désormais le dépassent selon le principe de la réitération qui assure une quasi-éternité (voir la chronique sur ce thème).

Dans un virage, à la faveur d’une trouée à gauche, la silhouette imposante du château de Tournoël surgit entre les canopées ; un peu plus loin, la piste s’ouvre droit sur lui. Arrivé aux pieds de ce géant âgé d’au moins neuf siècles, on remarque des arbustes installés sur les parois : un sureau noir, un noisetier, des groseilliers à maquereaux au sommet de la grande tour, … Leurs fruits ont du être transportés par des oiseaux. 

9. 

Le chemin descend doucement vers le vallon du double ruisseau de Sauzet que l’on coupe dans un virage.

Les vieux châtaigniers morts se succèdent et offrent leur galerie de cavités, de fissures, de fentes, et autres micro-habitats. Au bord du chemin, des touffes de polystic à aiguillons, une fougère d’un vert foncé. 

10. 

De beaux peuplements de vieux frênes, d’érables planes et sycomores occupent le profond ravin taillé en V. Un pan rocheux moussu, peut-être un reste d’ancien barrage, coupe le vallon ; au bord du chemin, un vieux frêne bien vivant exhibe son tronc éventré tout creux en levant ses « bras au ciel » ! Parmi les vieux châtaigniers qui se succèdent, l’un d’eux se distingue par son tronc remarquable comme spiralé, vrillé sur lui-même : une forme de croissance très rare. 

On rejoint le pont aqueduc et l’on revient vers le départ (2, 1). 

Accès : par la rue des Bias dans Crouzol avec un parking au bout ; suivre les entier principal balisé « puy de la Bannière » ; on le quitte à la hauteur de Tournoël pour revenir vers le pont de Barret et le départ. Ce circuit comporte plusieurs passages assez raides et ravinés nécessitant d’être bien chaussé. Même au cœur de l’été, compte tenu de l’ombrage quasi permanent, c’est un circuit agréable et diversifié. 

Bibliographie 

Site Espaces Naturels Sensibles 63

ENS de la Côte Verse