Les murets de pierre sèche sont écologiquement proches des pierriers naturels (en bas de pente). Vanoise.

21/09/2021 Face au déclin accéléré de la biodiversité ordinaire dans les milieux agricoles, on commence à mettre en place des politiques de conservation et/ou de restauration ou de création d’habitats semi-naturels permanents, i.e. des habitats non cultivés, intégrés dans la matrice du paysage agricole, mais qui ne reçoivent pas d’intrants (pesticides, engrais) et sont gérés de manière extensive. Ils fournissent divers services écosystémiques (protection des sols, de l’eau, de l’air) et fournissent abris, refuges, ressources alimentaires, sites d’hibernation ou d’estivation, corridors de dispersion, sites de nidification, … aux espèces animales et végétales sauvages (i.e. la biodiversité). Ce sont les haies, les bosquets, les arbres isolés, les talus, les berges des ruisseaux, les fossés, les mares, les lisières forestières, les bandes herbeuses, les prairies naturelles, les pelouses sèches, les friches, les zones humides, les prés-vergers, … et les murets de pierre sèche ou pierriers. Dans la chronique Murs de pierre sèche : écosystèmes multi-services nous avons présenté cet habitat très original et évoqué les nombreux services écosystémiques qu’il fournit à l’Homme. Ici, nous allons parcourir la biodiversité animale de ces murs de pierre sèche et pierriers (hors région méditerranéenne qui abrite une biodiversité spécifique importante en plus). 

Les anglais surnomment la mégère « the Wall » pour sa préférence envers les murs de pierre

Avertissement : De nombreuses photos de cette chronique ont été prises après avoir soulevé des pierres de sommet de mur ; chacune d’elles a été soigneusement remise à sa place (y compris celle qui recouvrait la jeune coronelle !). Ceci est très important pour la survie des espèces qui vivent sous les pierres. Attention à ne soulever que des pierres modestes libres sous peine de provoquer un éboulement dangereux et destructeur ! 

Diversité 

Souvent, les murettes sont les seuls habitats semi-naturels au milieu des vignobles

Les murs dans la campagne apportent de facto un nouvel habitat physique et contribuent ainsi à enrichir la mosaïque paysagère apte à répondre à l’immense diversité des besoins écologiques des animaux les plus divers. En tant qu’éléments linéaires servant à délimiter des parcelles, ils mettent en contact proche des milieux exploités comme des cultures avec des milieux extensifs comme des prairies permanentes ou des zones humides ou des forêts ; ils participent à l’effet de lisière dont on sait qu’il stimule fortement la diversité des espèces installées. Parfois, comme dans les vignobles, ils sont le seul habitat non cultivé disponible ce qui amplifie considérablement leur intérêt avec l’énorme avantage d’être très durables dans le temps. Même s’ils se détériorent et commencent à s’écrouler, n’assurant plus alors une partie des services envers l’Homme (comme la lutte contre l’érosion par l’eau), ils conservent encore très longtemps leur fonction de havre de biodiversité.

Cette stabilité est essentielle pour les vertébrés avec une certaine longévité et qui ont besoin de territoires stables et durables pour se reproduire et/ou hiberner, souvent dans le même site précis année après année. En montagne ou dans certaines vallées rocheuses, de par leur structure (voir la chronique sur les services), ils se rapprochent fortement de milieux naturels pouvant exister dans l’environnement plus ou moins proche comme les éboulis naturels de pente ou les rochers escarpés, souvent très dispersés et ponctuels dans l’espace : ils servent alors de milieux relais pour la faune spécialisée de ces milieux très particuliers. 

Selon la roche locale utilisée, selon son mode de construction, selon son ancienneté, selon son état, selon son degré de colonisation de la végétation, selon le sol sur lequel il est installé, selon la végétation environnante, chaque mur est différent et offre son panel propre de conditions écologiques sensiblement ou radicalement différentes avec des communautés d’animaux différentes.  Chaque mur individuel possède lui-même sa propre diversité : le faîtage diffère des parois et de la base, surtout s’il est horizontal ; selon l’orientation du mur, les deux parois recevront un régime d’insolation, de vent, d’enneigement et de précipitations différent. Nous allons maintenant explorer les différentes fonctionnalités des murs de pierre sèche vis-à-vis de la faune. 

S’abriter 

Le point fort des murs de pierre sèche tient à leur différence majeure avec les murs à pierres jointes (voir la chronique sur les services) : en l’absence de tout liant, les pierres empilées, le plus souvent irrégulières, laissent entre elles de multiples espaces. Un mur bien bâti comporte au plus 16% de vides mais la majorité des ouvrages en compte au moins 25%. Ce réseau de vides en 3D offre à la fois des possibilités de circuler à l’intérieur du mur au moins pour les invertébrés vu leur taille moyenne et surtout d’y trouver des abris, des refuges sûrs et permanents. Les espèces nocturnes trouvent là un milieu idéal pour s’abriter de jour. 

Le cœur du mur, abrité, ombragé, privé de lumière, isolé du vent n’a rien à voir avec les parois et le sommet ouverts aux éléments et à la vue : il bénéfice d’un microclimat très tamponné par rapport aux brusques variations qui peuvent affecter l’environnement extérieur. Il conserve aussi une certaine humidité par rapport aux parois ; les précipitations ou l’eau qui s’écoule derrière les murs de soutènement ruissellent sur et à travers le mur sans y rester : il s’agit d’ailleurs d’un des points forts de ces murs drainants vis-à-vis de la régulation du ruissellement pour l’Homme. Mais, l’eau qui a imprégné le sol sous le mur va être en partie retenue par effet de couverture et entretient une certaine humidité très recherchée de nombre d’invertébrés dont les escargots ou les cloportes, des groupes d’animaux terrestres mais pas complètement affranchis des contingences aquatiques. L’installation très progressive et inégale de terre, surtout dans les murs de soutènement, renforce cette rétention d’eau au fil du temps. Beaucoup de sites de terrasses à murettes sont aménagés sur des coteaux exposés plein sud au microclimat chaud et sec en été même en dehors de la région méditerranéenne. Au cœur de l’été, certains groupes comme les escargots deviennent incapables d’affronter à l’extérieur de telles conditions desséchantes (voir la chronique sur les escargots face au soleil) : ils entrent alors en vie ralentie ou estivation et le cœur du mur devient un refuge idéal à l’abri relatif des prédateurs (surtout quand on est endormi !) et avec une humidité relative évitant des pertes en eau excessives. 

Se chauffer au soleil

Le verbe lézarder n’a pas été crée au hasard ! (Lézard des murailles)

Dans la majorité des cas, la construction de murs de pierre sèche s’accompagne d’une mise à l’écart des arbres et arbustes dont les racines menacent la pérennité ou bien ces murs ont été justement installés pour servir de clôtures en des lieux dépourvus d’arbres. De ce fait, les murs « en activité » se trouvent généralement complètement exposés aux rayons du soleil. Or, tous les invertébrés et certains groupes de vertébrés (amphibiens, lézards et serpents) sont des « animaux à sang froid » (terme populaire) ou ectothermes : pour élever la température interne de leur corps, condition nécessaire au fonctionnement des cellules et des organes, ils doivent récupérer la chaleur du soleil ; on parle de thermorégulation.

Une des manières de réchauffer son corps consiste à l’exposer directement aux rayons du soleil (héliothermie), surtout le matin, de préférence sur une surface nue bien exposée qui rayonne la chaleur Les surfaces de pierre nue constituent dans ce contexte des plaques chauffantes remarquables qui réfléchissent une partie de la lumière incidente. Ce pouvoir thermique des pierres dépend beaucoup de leur structure et de leur couleur : les roches noires comme les basaltes absorbent plus fortement la chaleur alors que des roches claires la réfléchissent plus. 

Le silène (à vous de le trouver!) se chauffe volontiers sur les murs sombres qui absorbent la chaleur encore plus

De fait, les murs de pierre sèche sont de formidables observatoires de ces comportements, surtout le matin et le soir car au cœur de la journée, s’il fait beau, la chaleur devient intense avec la pierre atteignant les 50° et des risques de surchauffe mortelle ! Parmi les innombrables exemples, on peut citer : les mouches de toutes espèces dont les syrphes qui fréquentent assidûment les murs ; les papillons de jour qui se chauffent souvent et étalant leurs ailes à plat comme la mégère, une espèce spécialiste des murs (voir la chronique) ou le silène (voir la chronique), adepte du camouflage ; les grandes libellules en été viennent souvent s’y reposer, combinant le réchauffement avec les postes de chasse ; les criquets et sauterelles dont de nombreuses espèces sont amateurs de chaleur (thermophiles) en profitent pour striduler, une activité coûteuse en énergie.

Evidemment, n’oublions pas les plus connus : lézards et serpents pour qui ces murs sont souvent les seuls sites favorables dans leur environnement pour se chauffer tout en ayant la possibilité de se réfugier très vite à l’intérieur. 

Se chauffer dedans 

Jeune Coronelle lisse (encore engourdie) trouvée sous une pierre (remise en place avant qu’elle ne fuit), tôt le matin au sommet d’un mur de pierre sèche

Mais cette fonction thermique des murs ne s’arrête pas là car dans la journée, ils emmagasinent aussi une partie de la chaleur rayonnée qui sera restituée de manière diffuse dans la nuit avec la baisse des températures selon le principe de l’inertie thermique. Les animaux qui se réfugient la nuit à l’intérieur du mur vont alors se réchauffer par contact avec la pierre (thigmothermie) ; les principaux concernés sont les lézards et serpents qui en plus peuvent venir y pondre leurs œufs (espèces ovipares). Pour que l’inertie thermique joue à plein au point de permettre le développement des embryons dans les œufs, le mur doit être assez épais et de plus un peu enterré à la base : deux conditions à prendre en compte pour rendre les murs de pierre sèche accueillants pour l’herpétofaune. Quand on construit un mur qui dépasse deux mètres de hauteur, il est préférable d’enterrer la base d’une vingtaine de centimètres dans le sol pour des raisons de solidité. Ainsi, tout particulièrement dans les paysages de terrasses avec des murs de soutènement , ces derniers représentent des havres très attractifs pour les reptiles : côté lézards, le lézard des murailles est de loin le plus commun mais aussi le lézard vert et localement le lézard des souches sans oublier l’orvet (voir la chronique) ; côté serpents, la coronelle lisse est la plus classique : normal, elle se nourrit essentiellement de lézards et d’orvets ; la vipère aspic peut aussi s’y trouver mais elle préfère les zones avec plus de végétation (talus de haies, bocages, …). 

Coronelle adulte trouvée sous une pierre au sommet de la murette-rocaille de mon jardin

En hiver, cette même inertie thermique fait des murs de pierre sèche des sites idéaux pour hiberner en sécurité sans risquer de geler si le froid intense arrive. Ceci concerne toujours les vertébrés ectothermes tels que lézards et serpents mais aussi les amphibiens (crapauds, grenouilles, tritons et salamandres). Le hérisson, un des rares mammifères hibernants de plaine s’y réfugie s’il trouve des vides suffisants pour s’y glisser. Parmi les insectes, certaines espèces hibernent au stade adulte : des papillons de jour dont la vanesse paon du jour (voir la chronique) ; des coléoptères dont des carabes dans les zones boisées mais aussi des coccinelles qui peuvent parfois s’y réunir par centaines pour y passer l’hiver. Cet aspect vital pour la survie de ces espèces passe complètement inaperçu et reste souvent oublié ou méconnu des gestionnaires des milieux ; seuls les muraillers connaissent bien les hibernants des murs de pierre sèche qu’ils découvrent à l’occasion des travaux de restauration en hiver !

Se nourrir 

En forêt, les mousses colonisent facilement les vieux murs de pierre sèche (basalte ici) … très humide en l’occurence !

A sa création, le mur en pierre sèche est quasi purement minéral, sans vie (abiotique), mais très vite des colonisateurs tels que les mousses et/ou les lichens s’installent et introduisent des micro-environnements nouveaux, bases de chaînes alimentaires mettant en jeu des organismes microscopiques et premiers pas vers la création de micro-sols propices à l’installation progressive de champignons, de fougères et/ou de plantes à fleurs (voir la chronique à venir sur la flore des murs).

Mais, encore plus rapidement, des animaux vont coloniser ce nouvel environnement propice au peuplement et au début ce sont avant tout des prédateurs, faute de végétaux. Les fourmis semblent bien être parmi les premières à installer leurs colonies nombreuses depuis les abords du mur : elles vont chasser dans les environnements qui jouxtent immédiatement le mur qui leur sert de refuge sûr et durable pour installer leurs fourmilières en terre fine.

Elles sont suivies de près par les araignées dont les capacités de dispersion restent étonnantes notamment celles qui se laissent emporter par le vent au bout d’un « fil de la vierge ». Ce sont soit des espèces qui chassent à vue en circulant sur les pierres chauffées dans la journée comme les saltiques, de petites araignées sauteuses souvent bigarrées, soit des espèces qui tissent des toiles irrégulières souvent en « hamac » à l’entrée des grosses fissures ou vides dans le mur avec une nette préférence pour les barbacanes, ces grandes ouvertures ménagées dans les murs de soutènement pour faciliter le drainage. Les plus spectaculaires sont peut-être celles qui tissent des tunnels de chasse en soie dite cribellée, non collante mais qui accroche les proies comme du velcro.

La belette et l’hermine aux corps allongés réussissent à s’y faufiler, au moins dans les murs les plus grossiers pour chasser les rongeurs. La coronelle lisse vient chasser les lézards des murailles qui eux traquent les mouches venant se chauffer…

Lichens incrustés pionniers sur des pierres calcaires en plein soleil (Ardèche)

L’installation des lichens pionniers, généralement des espèces incrustées plus ou moins à la surface de la roche, attire des espèces de petits escargots spécialisés (donc des fongivores puisque les lichens sont des champignons : voir la chronique) qui  vont venir pour « brouter » ces croûtes avec leur radula râpeuse ; ils sont nombreux et variés sur les murs calcaires car ils peuvent récolter au passage un peu de carbonate de calcium (le « calcaire »), élément indispensable pour fabriquer et agrandir leur coquille. Des consommateurs de végétaux (herbivores) arrivent avec la progression de la flore dont des punaises qui sucent la sève ou les sucs des fruits ou des chenilles consommant certaines espèces spécialisées comme des orpins.

L’infiltration de terre et l’accumulation de déchets organiques apportés par le vent (feuilles mortes, brindilles, poussières) permettent la colonisation d’espèces de la faune du sol venues des environnements proches ; ainsi, en lisière ou dans les haies, le grillon des bois, spécialiste de la litière de feuilles mortes, s’installe et sature l’espace sonore de ses douces stridulations continues. 

Ainsi, rapidement, la vie prend possession du mur et des réseaux alimentaires de plus en plus complexes, interconnectés avec ceux des environnements adjacents, se mettent en place en faisant un écosystème à part entière. 

Se poster 

Traquet motteux en montagne sur un sommet de murette informelle

Outre leur usage comme plaques chauffantes (voir ci-dessus), les murs de pierre sèche peuvent aussi servir de postes de guet ou de surveillance et de délimitation du territoire notamment dans les régions très ouvertes sans végétation arborée comme en montagne ou au bord de la mer. Les oiseaux sont sans doute les plus réguliers à les utiliser à cet usage de manière opportuniste. En période de nidification, les traquets motteux, les pipits farlouses ou spioncelles (voir la chronique), les bergeronnettes grises, les corneilles ou les pies et bien d’autres se postent ainsi au sommet des murs pour surveiller leur territoire ou chasser. En période de migration, de nombreux oiseaux de passage, essentiellement des passereaux, s’y posent aussi. Au passage, ils y déposent souvent leurs fientes. Ce détail peut paraître anodin mais il est en fait capital pour deux raisons dans cet écosystème très minéral et abiotique au départ. D’abord, ces excréments vont en se décomposant sur place faciliter l’installation des lichens ou mousses qui ont besoin d’éléments minéraux libres faciles d’accès ; ensuite, ils peuvent contenir des graines de fruits consommés et, si elles sont restées intactes, elles peuvent éventuellement germer et participer ainsi à la colonisation de ces murs (voir la chronique sur l’endozoochorie) ou servir de source de nourriture à des détritivores. 

De la même manière, divers mammifères carnivores (renard, putois, fouine, genette, martre, hermine, …) déposent leurs crottes bien en vue au sommet de ces murs comme marquage de territoire notamment quand le faîtage du mur est accessible et plat. Là encore, elles apportent de la matière organique en décomposition et dispersent éventuellement des graines. 

Se reproduire 

Les murs de pierre sèche, notamment via leur inertie thermique et leurs innombrables vides refuges (voir ci-dessus) constituent des sites souvent recherchés pour se reproduire. Seuls quelques rares oiseaux y nichent, plutôt de manière anecdotique : le troglodyte mignon qui se faufile comme une souris dans les interstices ou le traquet motteux en moyenne montagne comme substitut des rochers naturels. Nous avons déjà évoqué les lézards et serpents qui peuvent y pondre leurs œufs à condition de disposer de sable ou de terre entre les pierres, ce qui les limite souvent aux murs anciens ou endommagés. 

Nids maçonnés par des guêpes et collés sur des pierres de mur

Les invertébrés sont bien plus nombreux à adopter les murs comme sites de nidification même s’il s’agit souvent de sites de substitution pour des espèces généralistes. De nombreuses chenilles en fin de développement viennent se fixer sur les pierres pour se chrysalider et bénéficier de cet environnement chaud ; sous les pierres, on trouve très souvent des fourreaux de psychés, formés de brindilles collées, abris ambulants de chenilles de curieux papillons nocturnes ou bien des cocons de papillons nocturnes venus des arbres proches. Les pierres servent de sites de nidification pour diverses abeilles et guêpes solitaires dites maçonnes, i.e. qui fabriquent des nids en glaise et sable à la surface des pierres comme les eumènes avec leurs adorables petites poteries ; les mégachiles, des abeilles qui bâtissent des nids faits de morceaux de feuilles roulées en fourreau, s’installent souvent entre deux pierres superposées. 

Les seuls insectes vraiment inféodés aux murs de pierre sèche sont les machilidés, une famille peu connue du groupe des Archéognathes à la base de l’arbre de parentés des insectes : sans ailes, avec un thorax bossu typique, ils sont recouverts d’écailles aux reflets irisés ; l’abdomen se termine par trois pointes allongées. Nocturnes, ils se nourrissent d’algues, de lichens et de mousses et courent très vite, se cachant sous les pierres de jour. 

Machilidé : étranges insectes qui vivent sous les pierres (ici, murette de basalte en lisière de bois)

Circuler 

A l’échelle des paysages, les murettes forment un réseau qui relie différents milieux entre eux

La structure linéaire de ces habitats leur confère a priori un fort potentiel pour aider la circulation des animaux dans l’espace : au milieu des espaces cultivés uniformes, ils sont des guides sûrs le long desquels les petits vertébrés peuvent circuler en sécurité avec la possibilité de se réfugier à l’intérieur à tout moment. Ainsi, de nombreuses espèces suivent ces murs pour rejoindre d’autres habitats favorables reliés entre eux par ces murs (ou en association avec des haies) : les salamandres par exemple peuvent ainsi se disperser vers d’autres bois ou bosquets en suivant ces réseaux quand ils existent ; elles ont la possibilité de faire des haltes journalières au frais quand les déplacements sont longs et compte tenu de leur lenteur. L’environnement immédiat du mur joue un rôle déterminant dans l’usage de ce dernier comme corridor guidant les déplacements ; ainsi, pour les murs qui longent des routes, souvent seul le côté intérieur est utilisé car la route procure un sentiment (justifié) d’insécurité. La présence d’un couvert vertical le long du mur (des grandes herbes par exemple) sécurise nettement son usage et incite la petite faune vertébrée à le suivre.

Le rideau de hautes herbes et quelques buissons sécurisent la circulation le long de ce mur de pierre sèche

Les petites espèces comme les micromammifères (mulots, souris, campagnols, musaraignes) ou les espèces longilignes comme serpents et lézards ou belettes et hermines peuvent facilement traverser les murs et aller d’un côté à l’autre. Par contre, pour des espèces moyennes à grandes, ces murs peuvent devenir des barrières à la circulation latérale dès qu’ils dépassent une certaine hauteur et une certaine épaisseur ; il ne faut pas oublier qu’une bonne part d’entre eux a été conçue pour arrêter le bétail ! Lors d’opérations de restauration d’anciens murets, on intègre désormais ces aspects en créant des passages sous le mur ou des conduits.

On voit donc à travers ce panorama non détaillé de la faune des murs de pierre sèche que ces derniers représentent des habitats semi-naturels précieux, tut autant que les haies bien plus valorisées et mises en avant. La sauvegarde des réseaux déjà existant est donc une priorité absolue pour enrayer le déclin de la biodiversité en milieux agricoles et s’intégrer dans la trame verte et bleue pour la circulation des espèces. 

A bientôt pour reparler des murs de pierre sèche, notamment de leur flore

Bibliographie

Developing an ecosystems approach – dry stone walls. John Powell, Jeremy Lake, Peter Gaskell, Paul Courtney, Ken Smith Research Report Series N° 43-2018

Pierre sèche. P. Coste ; C. Cornu et al. Ed. le bec en l’air 2021 Superbe ouvrage sur les murs et ouvrages de pierre sèche à travers la France et l’Europe : à lire et regarder avec gourmandise