Le site a été fauché cet automne

19/03/2023 Le printemps avance à grands pas et la pluie récemment tombée permet à la nature de s’exprimer pleinement. Je rends donc visite au site du Puy Saint-Jean pour inventorier la flore printanière des pelouses en partenariat avec le CEN. Sur ce site de pelouses sèches, il ne faut pas s’attendre à des tapis fleuris comme avant-hier au bord de la Morge non loin d’ici (voir la chronique) : le pic de floraisons sera ici pour mai-juin (si la sécheresse cesse de sévir) mais, néanmoins, quelques espèces fleurissent discrètement dès mars tandis que les autres pointent le bout de leurs feuilles ou rosettes.

Voir la chronique sur le circuit de découverte de ce site géré par le CEN, Conservatoire des Espaces Naturels Auvergne

Buzzzzzz ….

Saule marsault mâle à l’entrée sud du site

Dès l’entrée sur le site par le portail d’en bas (chemin des Côtes), un arbre fleuri accroche tout de suite le regard : un saule marsault (voir la chronique) couvert de chatons mâles fraîchement éclos. Quelques mètres d’approche et cette fois, c’est mon oreille qui est interpellée : un incroyable bourdonnement et des centaines d’abeilles domestiques qui s’activent en tous sens, les pattes chargées de boulettes jaunes de pollen. Elles sont tellement affairées qu’elles ne me prêtent aucune attention. A part les abeilles, je réussis à observer un syrphe et un beau bourdon tricolore. Un seul arbre comme celui-ci doit ravitailler tous les butineurs dans un rayon de plusieurs centaines de mètres et pour plusieurs jours.

L’ensemble du site a été fauché selon le mode de la fauche tardive (en automne) qui laisse les plantes fructifier et semer leurs graines ; grâce à cette fauche, les vivaces à rosettes peuvent se déployer comme les primevères officinales (voir la chronique), autre espèce très prisée des bourdons et abeilles, ou de larges taches de violettes odorantes. Le long de la haie en bas du site, une grande colonie de petites pervenches (voir la chronique) est en pleine floraison : une autre source de nectar pour butineurs un peu spécialisés vu la structure de la belle bleue. Même le gui sur des arbustes en bordure d’une haie attire des visiteurs : une grosse mouche et un petit insecte dont je n’arrive même pas à dire l’ordre de rattachement ?

Dans l’herbe tondue, un petit papillon bleu volète et se pose, mal assuré faute de franc soleil et du vent un peu froid : il se laisse tirer le portrait facilement. Le dessous d’un bleu « bouillie bordelaise » avec une rangée de points noirs signe une espèce commune : l’azuré des nerpruns ou argus à bande noire. Sa chenille vit sur toutes sortes de plantes dont des nerpruns ou le lierre.

Rosettes naissantes

La fauche présente aussi l’avantage de libérer les vivaces basses de l’emprise des graminées dominantes et de leur canopée qui intercepte la lumière. Au milieu du tapis uniforme d’herbe verte et d’herbe sèche coupée, émergent diverses plantes. Là, une rosette d’orchis pourpre sur la pelouse en pente : ne pas confondre avec les rosettes d’orchis bouc, très commun (voir la vigne ci-dessous). Vers la mare, les ronces ont été elles aussi coupées laissant ainsi poindre une multitude de feuilles en fer de lance tachées et veinées de jaunâtre : l’arum d’Italie (voir la chronique), un méridional, concentré ici autour de la mare et de la source en amont qui apportent de la fraîcheur au sol.  Le débroussaillage ponctuel facilite l’émergence des pousses feuillées des clématites vigne-blanches (voir la chronique) qui vont atteindre plusieurs mètres de long en fin de saison et recouvrir les ronciers.

Les tiges des gaillets blancs avec leurs étages (verticilles) de feuilles pointent un peu partout : elles ne vont pas tarder à héberger les grosses larves noires gloutonnes des « crache-sangs » ou timarchies (voir la chronique), typique de ce genre de site.

Au pied d’un arbre planté, à la faveur d’une plage de sol nu, pointent des fines rosettes de feuilles très découpées, typiques d’une ombellifère : le torilis noueux, petite espèce assez commune mais très dépendante de microplages de sol nu.

La grande pelouse fauchée est jonchée de feuilles sèches épineuses des panicauts champêtres ou chardons Roland (voir la chronique) : ils n’ont pas encore commencé à émerger de l’herbe, eux qui ne fleurissent qu’en plein été. Traversant en biais la pelouse, une piste bien tracée se dirige vers la haie de bordure : la trace du blaireau qui chaque soir quitte son terrier (sur le site) et part en chasse, parcourant plusieurs kilomètres le long de ses sentiers bien tracés.

Dans les pas du blaireau …

Hellébores et iris

Près de la vigne (voir ci-dessous) dans le bas du site, dans la pente marno-calcaire raide, un bois d’acacias s’est installé avec un sous-bois épineux hostile. Mais depuis le bord, on peut observer deux espèces bien présentes ici. Un gros massif d’hellébores fétides (voir la chronique) splendides dresse ses inflorescences vert tendre qui contrastent avec leur feuillage vert très foncé. Si quelques fleurs portent déjà des fruits, la plupart sont encore penchées et bien fleuries mais très fermées : elles attirent les bourdons, pratiquement les seuls capables d’y accéder. Je dégage le cercle externe de sépales sur une fleur : on voit ainsi les pétales en forme de cornet remplis de nectar abondant. Un pied m’intrigue : toutes les tiges fleuries ont été sectionnées : c’est peut-être le « travail » du chevreuil, souvent présent sur le site ; et pourtant, elle est réputée très toxique ?

De grosses touffes de feuilles en forme de sabre, vert sombre, ponctuent le sous-bois : des iris fétides (voir la chronique), une espèce répandue en Limagne mais jamais très commune. Les infrutescences de l’automne dernier sont encore en place, racornies : les capsules ouvertes renferment encore quelques graines qui ont séché et perdu leur superbe couleur rouge vif pour virer vers un rouge « vieux cuir ».

Vigne

Une des originalités de ce site est de conserver une activité « agricole » via une vigne toujours exploitée, en mode biologique. C’est un endroit à ne pas manquer, riche en flore, qui trouve là un espace très ouvert sans compétition de la part des graminées coloniales qui dominent les pelouses. Rien de commun avec les vignobles hyper traités, aseptisés, dénudés, que l’on trop l’habitude de voir. Des centaines de rosettes d’orchis bouc, parfois en colonies très denses, parsèment les rangs ; localement des petites rosettes d’iris fétide (voir ci-dessus) se mêlent à elles.

Orchis bouc et iris fétides dans la vigne

Encore plus nombreux mais discrets pour l’instant sont les rosettes bleutées des muscaris à toupet qui vont fleurir en mai-juin. Par contre, ici, le muscari à grappes, répandu ailleurs dans le secteur, est rare avec une seule touffe fleurie.

Des rosettes plaquées au sol de feuilles irrégulièrement mais profondément découpées signalent la sauge fausse-verveine, une petite espèce de sauge, un peu méditerranéenne, très commune sur le site (on la retrouve près du portail supérieur d’entrée). Ne pas confondre avec sa classique cousine, la sauge des prés, répandue dans les pelouses du site : ses feuilles ridées ne sont pas découpées et sont plus grandes.

Des composées jaunes éclairent un angle de la vigne : la crépide de Nîmes, une méditerranéenne qui a considérablement élargi son aire de répartition depuis plus d’un siècle et peut proliférer dans certaines vignes (ici, elle est discrète) ou le long des rues des villages.

Pelouses

Je termine le tour du site en remontant les pelouses parsemées de quelques gros blocs de calcaire à phryganes (voir la chronique du circuit), la curiosité géologique du site : ils portent de belles parures de lichens et de mousses. Sur l’un d’eux, perchée à la faveur d’un micro-creux moussu, une petite crucifère à fleurs blanches s’est installée : la drave printanière, très commune (voir la chronique). On la retrouve en tapis continu sur le chemin qui monte, caillouteux et à végétation rase : son milieu d’élection.

Une seconde crucifère blanche, un peu plus grande, aux fleurs en masses compactes, pointe çà et là : le tabouret perfolié, assez commun mais à floraison précoce et de courte durée ; on notera ses fruits déjà formés en forme de « siège de tracteur vintage » (voir la chronique). Sur l’un d’eux, je découvre une adorable petite abeille toute seule … Elle fait partie des centaines d’espèces très méconnues du groupe des abeilles solitaires (voir la chronique) : solitaires dans le sens de « ne vivant pas en colonies sociales ». Alors que je me suis couché pour la cadrer (elle ne bouge pas), un couple de randonneurs arrive ; l’un après l’autre, ils me demandent ce que j’observe : j’explique brièvement qu’il s’agit d’une adorable petite abeille. Mais je ne dois pas être convaincant car l’un après l’autre, ils s’éloignent à grands pas sans s’approcher ; sans doute ont-ils en tête de parcourir le circuit de 8,785 km en moins de 1h 27min (je plaisante) et donc pas de temps à perdre pour se pencher sur une chose d’aussi peu d’importance … enfin, pas pour tout le monde.

Au bord du sentier, quelques belles fleurs jaune vif s’étalent au ras du sol : la potentille printanière bien nommée est en pleine floraison. De l’autre côté, les euphorbes petit-cyprès ne font que commencer à émerger et n’ont pas encore déployé leurs inflorescences.